Après des mois d’attente et des années de lutte, les salarié·es et anciens salarié·es de Saint-Gobain Thourotte vivent une nouvelle étape décisive de leur long combat judiciaire. Ce lundi 13 octobre, à 14 heures, votre fédération et ses représentants étaient à leur coté au conseil de prud’hommes de Compiègne, où s’est tenue l’ultime audience concernant la reconnaissance du préjudice d’anxiété lié à l’amiante. Ils sont 80 à avoir faits le déplacement pour venir soutenir les 186 dossiers à défendre, salarié·es, ancien·nes, intérimaires ou sous-traitant·es, tous ceux et celles qui ont travaillé entre 1962 et 1994 dans les ateliers de l’usine, respirant sans le savoir un poison silencieux. À leurs côtés, Maître Élisabeth Leroux, qui défend depuis des années les membres du Collectif amiante de Chantereine, a rappelé ce que ces hommes et ces femmes réclament : la simple reconnaissance d’un droit, celui de ne pas avoir été sacrifiés sur l’autel du profit.
Depuis 2019, cette bataille a été menée avec une ténacité exemplaire contre Saint Gobain et l’état Francais. Déjà, 144 salarié·es ont obtenu la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété, ce dispositif qui indemnise la souffrance morale liée à la peur permanente de tomber malade. Les éventuelles indemnisations ne compenseront pas évidemment les nuits sans sommeil ou les angoisses qui rongent les uns et les autres depuis des années celles et ceux qui ont respiré l’amiante dans les fours, les tuyauteries, les joints ou les toiles industrielles. Mais elles marquent une victoire arrachée de haute lutte face à une direction qui, trop longtemps, a nié l’évidence : ses salarié·es ont été exposé·es, sans protection suffisante, à une substance mortelle.
Cette audience doit clore la série de procédures engagées sur le terrain du préjudice d’anxiété : la « dernière vague », comme le dit le Collectif amiante. Mais pour beaucoup, c’est aussi un moment profondément symbolique. Plusieurs plaignant·es sont décédé·es avant d’obtenir justice. D’autres, épuisé·es, attendent encore la décision finale seulement rendue en juin 2026 avec un mélange de colère et de dignité.
Le site de Thourotte est désormais classé « établissement amianté », une victoire arrachée grâce à l’action collective de la CGT. Ce classement ouvre des droits concrets : la retraite anticipée (ACAATA), la prise en charge intégrale des soins, la reconnaissance de certaines maladies professionnelles. Mais la lutte ne s’arrête pas là. Car si cette audience est la dernière sur le terrain de l’anxiété, ce n’est pas la fin du combat.
Et au-delà de l’amiante, d’autres menaces se dessinent encore : Fibres céramiques réfractaires, huiles techniques, poussières de silice… tous ces produits sont classés CMR (Cancérogène, Mutagène, Reprotoxique) : un cocktail de produits dangereux manipulés pendant des décennies sans protection suffisante. « On n’a jamais prétendu que tout était fini mais on a gagné des étapes, rien n’est jamais donné », rappelle le Collectif amiante.
La CGT le martèle : la santé au travail n’est pas une option, c’est un droit. Ces salarié·es de Saint Gobain n’ont pas seulement façonné le verre, ils ont bâti une industrie au prix de leur santé. Leur combat, c’est celui de toutes et tous !
À Thourotte comme ailleurs, la justice sociale ne se demande pas, elle se construit.
