L’amiante pourrait encore tuer des dizaines de milliers de personnes en France d’ici à 2050, entre 68 000 et 100 000 décès selon des estimations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). En se basant sur des travaux de l’Institut de veille sanitaire (InVS), le HCSP estime dans un rapport qu’”il faut s’attendre entre 2009 et 2050 à un nombre de cancers du poumon dus à l’amiante de l’ordre de 50 000 à 75 000″. Il faut y ajouter “18 000 à 25 000 décès dus au mésothéliome, sans même compter d’autres cancers tels que ceux du larynx ou des ovaires pour lesquels la responsabilité de l’amiante a été confirmée par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) en 2009”.
Le mésothéliome est un cancer de la plèvre, qui, dans 80 % des cas, peut être attribué à l’exposition à l’amiante, un matériau isolant bon marché très largement utilisé en France dans de nombreux secteurs de l’industrie et de la construction jusqu’à son interdiction complète en 1997. Mais ce cancer se déclare généralement de nombreuses années après l’exposition, tout comme les cancers du poumon, dont 13 % peuvent également être attribués à l’amiante, selon “une estimation basse” de l’InVS.
L’InVS a également évalué entre 61 000 et 118 000 le nombre de décès attribuables à l’amiante entre 1995 et 2009, se répartissant entre 25 000 et 36 000 décès à la suite d’un mésothéliome, et entre 36 000 et 82 000 décès par cancer pulmonaire dus à une exposition professionnelle à l’amiante. Rien qu’en 2007, le nombre des cancers du poumon attribuables à l’amiante était estimé entre 1 500 et 2 400, selon les hypothèses retenues, alors qu’on comptait un peu plus d’un millier de décès par mésothéliome. L’InVS relève par ailleurs que le nombre de nouveaux cas de mésothéliome semble s’être stabilisé dans les années 2000, tant chez les femmes que chez les hommes, nettement plus touchés par ce cancer (69 % d’hommes contre 31 % de femmes).
Mesures de protection
Saisi en 2010 par les autorités sanitaires pour se prononcer sur la définition d’un nouveau seuil de déclenchement des mesures de protection contre l’amiante, le HCSP s’est en revanche montré très prudent dans son rapport. Depuis 1996, tous les bâtiments font l’objet d’une réglementation selon laquelle dès que le niveau dépasse les cinq fibres par litre d’air, des travaux de désamiantage ou de confinement doivent être entrepris. Des experts réunis par le HCSP avaient dans un premier temps proposé d’abaisser le seuil de déclenchement des travaux à deux fibres par litre d’air dès 2015, puis à une fibre en 2020.
Mais le HCSP a jugé “illusoire” dans son rapport d’abaisser ce seuil “tant que la réglementation actuelle […] n’est pas correctement appliquée” en ce qui concerne notamment les repérages et les mesures. “Un abaissement prématuré pourrait même être contre-productif, car conduisant à une augmentation sensible des analyses, des travaux et des déchets à gérer, dans un contexte de manque de préparation aux risques induits”, ajoute le HCSP, qui préconise de baisser le taux à 2 fibres “en première instance” à partir du 1er janvier 2020. L’association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) a réagi en demandant à la ministre de la Santé “de ne tenir aucun compte de la position du HCSP et d’abaisser sans tarder le seuil de la gestion du risque amiante dans les bâtiments […] conformément aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses)”. Cette dernière avait préconisé en 2009 d’abaisser le seuil à 0,5 fibre par litre d’air.